Beatrix Cenci, tragédie en cinq actes et en vers (1833)
Beatrix Cenci, tragédie en cinq actes et en vers d’Astolphe de Custine (1790-1857), reçue à la Comédie-Française en 1831, retirée par l’auteur et donné à la Porte-Saint-Martin où elle n’aura que quatre représentations, la première datant du 21 mai 1833. Elle est publiée à Paris chez Fournier jeune en 1833 (1 vol. in-8°).
Résumé & Analyse
Astolphe de Custine avait fait paraître la même année un poème, La Cenci (1829) composé en 1827. Il reprend ce sujet pour ce qu’il intitule une tragédie, dont l’esthétique emprunte beaucoup au drame romantique.
Précédée d’un Avant-propos, où Custine fait l’éloge de ses interprètes, Mme Dorval et Frédérick Lemaître, et suivie de « Notes sur le fait historique », la pièce se passe tantôt à Rome, tantôt à Petrella, château du comte de Cenci, sur la frontière des Abruzzes, en 1599. A Rome, le cardinal Camille Salvestri, qui connaît la vérité sur la façon dont le comte a tué sa première femme, mère de Beatrix, veut sauver celle-ci d’un père féroce, et demande à Lucrèce, épouse du comte de l’aider à obtenir la main de sa belle-fille pour son neveu Leo. François Cenci, dont on apprend que les deux fils ont péri, feint d’accepter et passe un marché avec Camille, qui représente par ailleurs le pape Clément VIII, mais décide de se replier à Petrella (acte I). Beatrix, qui a fait prévenir Leo de ce départ par Carlo, brigand dévoué, fils de sa nourrice Léonore, tente en vain de fléchir son père. Arrive Fabrice, fils du comte, qui a survécu aux coups du meurtrier envoyé par son père. Beatrix le cache (acte II). François Cenci déclare sa jalousie à sa fille, et exige sans succès qu’elle renonce à Leo. Fabrice accuse son père, qui le tue (acte III). Arrivent Leo et Carlo: ils trouvent Beatrix « dans le plus affreux désordre, échevelée, sanglante, un poignard à la main ». Dans son délire, elle parle d’un horrible secret. Le comte fait lui aussi une entrée dramatique, révèle que Beatrix l’a poignardé « pour se venger du plus sanglant outrage », et meurt. Perplexe, le cardinal se demande si Leo est coupable. On va torturer Beatrix... (acte IV). Au Vatican, le cardinal et le Pape débattent. Beatrix résiste à la question, mais son orgueil cède devant Clément et pleure enfin, sans dénoncer personne, alors que Carlo et Fabrice meurent sans parler. Leo, pour la sauver, s’accuse avant de mourir. C’est trop tard : Beatrix réclame le supplice. Sa mort exemplaire occupe une dernière scène ajoutée à la représentation.
Tyrannicide, parricide, Beatrix est une figure digne de l’antique : « Beatrix met l’honneur dans l’orgueil des païens, / L’héritage de Rome est funeste aux chrétiens », dit Clément (V, 2). Placée sous les auspices de l’Évangile (« Ne jugez point ! », Avant-propos), la tragédie oppose un père incestueux à une fille vertueuse et orgueilleuse. Cruel, le despote souffre de ne pouvoir jouir de l’amour de sa fille: “Rien ne peut triompher de l’ennui qui m’oppresse!” (III,3), et nourrit sa violence de la résistance hautaine de Beatrix : « J’ai perdu la tendresse ! il me reste la haine » (III,4). Forteresse dont les « tristes murs n’ont vu que des scènes sanglantes » (II, 1), passage secret, scène de folie, meurtres, héros monstrueux, exhibition de l’indicible (l’attentat du père sur sa fille), châtiment et rachat par la mort : la pièce déploie l’arsenal du drame et l’attirail du mélodrame, concluant sur l’assomption de cette moderne Judith et Madeleine à la fois (« Au moment d’accomplir sa noire destinée, / On voit qu’elle pardonne, et qu’elle est pardonnée »).
Auteur : Gérard GENGEMBRE
Source : Daniel COUTY et Jean-Pierre de BEAUMARCHAIS (dir.), Dictionnaire des œuvres littéraires en langue française, Paris, Bordas, 1994
Bibliographie
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TARN, Julien-Frédéric, Le Marquis de Custine, Paris, Fayard, 1985.
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